06 mars 2012

Chronologie égocentrée du rap français

[Artwork par Rouge]

Je vais vous prévenir tout de suite : cet article a pour personnages principaux le rap et moi (deux de mes passions principales), et ne sera ni logique, ni complet, ni objectif.
Dans ce cas, me demanderez-vous en tant que gros relous pointilleux, de quel droit ouvré-je ma gueule?
C'est bien vrai ça, je pourrais tout aussi bien ne pas prendre de risques et retourner bloguer des tracks du top 50 de Hype machine (mais seulement la deuxième partie du top 50, hein, sinon c'est trop mainstream).

Effectivement, je n'étais pas partie pour aimer le rap. Mes jeunes années étaient plus catho que ghetto, et j'avais à peu près la même image du hip hop que Jean-Marie Le Pen : un mélange entre un clip d'Alpha 5.20 et un reportage TF1 sur les émeutes de 2005.
Légitimité zéro pour prendre la plume sur le propos, donc.

Mais depuis, j'ai revu mes positions, et si le zèle des nouveaux convertis peut remplacer l'érudition des vétérans, alors je demande humblement à ces derniers d'excuser mon inexpérience et de jeter un oeil bienveillant sur cette  

Chronologie égocentrée du rap français


Tout à commencé en 2008. J'ai écouté le Klub des Loosers pour la première fois parce que le teubé prétentieux qui me plaisait alors était fan de leur page sur Facebook. Je l'aimais comme on aime à 16 ans, d'une passion incandescente et adolescente, le genre d'amour qui brûle fort et qui crâme vite, bref, vous connaissez sûrement.

La passion est passée mais le KdL m'est resté. En même temps, qui mieux qu'une ex-victime de la cour de récré pouvait se reconnaître dans les lyrics rageux et maniacodépressifs de Fuzati, le Versaillais masqué misanthrope?

Je ne pouvais qu'adhérer à ce klub, et c'est donc sur le tard que j'ai commencé à ronger Vive la Vie et les albums des crews affiliés, découvrant au fil des suggestions Youtube L'Atelier, TTC, La Caution, Charly Greane (aujourd'hui Nadir Greany), L'Armée des 12, le Klub des 7, et finalement toute une frange du rap alternatif en général.
C'est aussi à ce moment-là que j'ai commencé à m'intéresser au rap US (je vous ai dit que j'étais vraiment en retard?), mais ça, c'est une autre histoire.

C'était bien. J'étais contente. Mais telle Donatella Versace après sa première mammoplastie, j'en voulais plus. Ma target de l'époque [et c'est l'occasion de mettre l'accent sur le nombre de découvertes musicales qu'on peut faire pour de basses raisons de chinage], ma target donc m'a fait découvrir Orelsan - haterz gonna hate.
Oui, je sais ce que vous allez dire, y a que deux sons cool sur son deuxième album, mais honnêtement, le premier était plutôt tueur. N'oubliez pas qu'à la base je suis une petite bourge pas ghetto pour un sou (et encore moins pour un sobre) et à ce stade de notre histoire, j'étais absolument incapable d'apprécier la beauté d'un bon vieux Booba bien hardcore.

C'est à ce moment-là que j'ai commencé à fréquenter un peu les cercles de post-bobos de province, vous savez, ces petits merdeux branchés élitistes que vous détestez, notamment parce qu'ils vous rappellent à quel point vous êtes vous-mêmes un petit merdeux branché élitiste (ne niez pas, vous lisez un blog musical donc j'ai forcément un peu raison) (on me glisse dans mon oreillette que ce n'est pas très vendeur d'insulter son lectorat, désolée les mecs, mais je vous assure que ma dérision est empreinte de tendresse, true story bro.)

Bref, du coup, il me fallait de nouvelles armes musicales pour affronter une réalité de plus en plus flippante, et mes horizons se sont élargis en même temps que mon tour de poitrine. (si vous ne voyez pas l'intérêt de cette analogie, c'est parce que vous n'avez pas accès à l'historique des requêtes Google qui mènent les gens vers ce blog)

Alors voilà : je me suis retrouvée face à l'immense montagne du rap old school, tous ces classiques que je n'avais pas eu l'occasion d'écouter à l'époque, ghettoblaster sur l'épaule droite, carton de bières sur l'épaule gauche. Ainsi, j'ai idolâtré dans le désordre : le Deenastyle, Rapattitude ; IAM, Assassin, NTM ; Rocca, le jazz rap d'Oxmo ou de Hocus Pocus auquel mon amour du funk me prédestinait ; les mixtapes de Cut Killer, la Brigade, l'excellent Fabe, le Saïan Supa Crew.
Mon plus grand coup de foudre reste sans doute La Rumeur, le groupe d'Ekoué, à des millions de kilomètres du rap Skyrock. Comme je ne suis pas une puriste, je peux me permettre de dire que mon album préféré est le troisième, Du Coeur à l'outrage (les pistes 9-10-11 sont juste ouf). Du rap conscient mais pas relou, d'une intelligence aigüe, aussi vénère que vénéneux.
Presque à égalité, l'ovni VII, ses textes cyniques, sinistres, presque cinématographiques, son univers macabre, noir foncé. A écouter en plein jour, volets fermés, dans une pièce confinée.
(si ça vous plaît, essayez aussi Virus)

Je serais injuste de ne pas citer le collectif Anfalsh avec entre autres cette killeuse de Casey, et ce cher Sheryo qui n'est resté que pour la trilogie des Que d'la Haine, absolument inmanquables. (écoutez d'ailleurs ses albums solo si vous aimez les punchlines egotrip fracassantes).
Comment zapper aussi le rap de ma région qui a du putain de talent, avec Taipan le nancéen insolent ("C'était de l'air dans les poumons et du foot sur l'herbe, aujourd'hui de l'herbe dans les poumons et du foot sur Play") et Mysa le sage de Metz...

Je pourrais continuer des heures à égréner les exemples comme un chapelet de namedropping, et même constituer ma famille musicale idéale : Akhenaton serait le papa (à moins que ce ne soit Lacklo), Ahmad le grand frère marrant, Youssoupha l'oncle stylé, Al'Tarba, Swift Guad et la Droogz Brigade les cousins cool, Keny Arkana la soeur un peu honteuse mais qu'on aime bien quand même, Alkpote et Seth Gueko les copains ghetto...
J'intègrerais bien les petits jeunes de 1995 aussi, parce que même s'ils sont victimes de leur (souvent pitoyable) public, certains membres du crew ont un énorme talent, mais comme je suis un peu amoureuse de Sneazzy West, ce serait légèrement incestueux. Cela dit je ne les remercierai jamais assez pour avoir contribué au retour du bon vieux boom bap old school.


[Ci-joint une playlist Spotify collaborative, ce qui signifie que vous pouvez ajouter vos morceaux de rap préférés (enfin je crois) (enfin je sais pas) (enfin au pire sinon envoyez-les moi et je m'en charge)]

Smoke hip hop every day.
Love,

Rouge


ALIAT