29 mars 2012

Mieux que d'y croire, le voir.





Exit ces jours merdiques ou tu ne croyais plus en l'avenir de la musique, la vraie, celle qui fait tousser et transpirer.
Après l'échange de quelques phrases avec HOboken Division, je peux l'assurer, l'espoir renaît.
A l'écoute des premiers riffs électriques de "Radar On", les plus sceptiques se contenteront de plisser les yeux et de tendre une oreille timide mais curieuse. Ce n'est qu'a la découverte auditive de la voix suave et puissante, digne d'une des soeurs oubliées d'Alison Mosshart, que les faciès enthousiastes se révèleront.
Une explosion caractérielle qui allie profondeur et head banging.

Entre deux cigarettes, Marie et Mathieu nous dévoilent d'une manière très intéressante la façon dont  se crée un jeune et talentueux groupe rock/blues à notre époque. Des origines de sa formation, à son ascension, en passant par leurs inspirations et leurs efficaces secrets de composition.



ALIAT : Contez-nous votre naissance, aussi loin que vous vous en souvenez...


Hoboken Division : On s'est rencontrés, par hasard, début 2011. Partis pour faire un morceau ensemble, juste comme ça, pour l'autre projet de Mathieu 'Ventilator Blues Band'. Trois mois et pas mal de nuits blanches plus tard, on faisait notre premier concert en tant qu'Hoboken Division. 
Tout est venu très vite, après quelques mois à réarranger des reprises, histoire de faire connaissance et de confirmer que nous allions bien dans le même sens, nous avons commencé à composer. Pour pouvoir faire des concerts, on a composé la majorité de notre set actuel en un ou deux mois, avant de préparer l'enregistrement studio d'un EP.





ALIAT : Comment se sont passés vos premiers pas à la suite de l'enregistrement ?

2011 a été très intense, mais ça a payé : à peine l'EP enregistré, nous avons été sélectionnés pour les tremplins du printemps de Bourges, et fait une tournée entre Lille et Marseille, bookée, organisée et promue par nous-même.

Le but, depuis le début, est de professionnaliser le groupe, produire des disques et de vivre de nos concerts. Les tournées sont primordiales, et nous espérons vite repartir, continuer de voyager, et faire découvrir notre musique


ALIAT : Effectivement, tout s'est très vite goupillé. Sur quoi se base un tel travail et d'où en cueillez-vous les fruits ?


HD : Notre musique est basée sur les racines du Delta blues, dont on retrouve les influences dans la plupart des musiques produites depuis lors. Mais nous avons voulu mixer cette base très ancienne avec des machines modernes, des boites à rythmes, loopers et samplers, pour lui donner une couleur plus garage et actuelle, sans la dénaturer. C'est le mélange des genres, les métissages de sons qui nous intéressent, et nous ne fermons aucune porte quant aux instruments que nous utilisons. Si la plupart du temps, nous montons sur scène avec des instruments 'classiques' (guitares électriques, harmonica, basse, boite à rythme et chant), Mathieu utilise pour composer des sitars, harmoniums, orgues, autres types d'accordages de guitares... et Marie puise ses influences au chant du Jazz de Nina Simone au rock des Dead Weather.

L’intérêt de jouer cette musique typée, roots qu'est le blues, c'est l'aspect brut et instinctif qu'elle donne à la musique en général. Les riffs qui se répètent, les grilles qui tournent en boucle, la slide et les accordages en open offrent des tas de possibilités pour la composition, et une musique urgente, brute. Et ces sonorités se mélangent parfaitement avec la saleté du son garage, qui a le même but : jouer de façon brute, honnête, violente même. Et tout ça n'a en rien à voir avec la nostalgie, le blues, dans son essence, est très actuel et permet d'extérioriser toutes ces émotions que ce soit sur de l'électro, du rap, de la soul, du classique, du rock ou tous les dérivés: c'est un exutoire!

D'autre part on aime particulièrement tous les artistes qui adoptent une démarche plus ou moins Do It Yourself comme les gens de Morphine, Sonic Youth ou encore les Whites Stripes à leur débuts.


ALIAT : Tout cela est très prometteur pour la scène rock et pour les éternels amateurs de musique brute comme on n'en fait plus tellement. 
Si vous deviez partager quelques sons à vos auditeurs et nos lecteurs, leur assurant que la musique a encore des parents en bonne santé, en expliquant brièvement ce qu'ils vous inspirent, lesquels choisiriez-vous ?




Marie 

The Dead Weather - Blue Blood Blues
Le chant de Jack White est incroyable sur ce morceau, qui ouvre leur 2ème album. La plupart du temps, se sont les voix féminines, graves, cassées à la Patti Smith et Janis Joplin qui me parlent le plus. Exception faite donc de celle de Jack White. Quel que soit l'instrument qu'il joue, de la voix à la batterie, il y met quelque chose de tellement urgent, violent que ça en devient autre chose, novateur. 

The Detroit Cobras - Midnight Blues
Ce groupe n'a jamais fait que des réarrangements de vieux morceaux oubliés, à leur sauce. La chanteuse est l'incarnation de la white trash américaine avec une voix hyper sexy : grave et voilée. Et leurs morceaux sont toujours cours, efficaces, rock'n'roll. Ils ont l'air d'être très DIY dans la démarche, je ne suis même pas sure qu'ils aient un label alors qu'ils existent et tournent depuis très longtemps... Et chacune de leurs pochettes d'album valent carrément le détour! 

Nina Simone - Feeling good 
C'est quand même autre chose que Muse! Grand classique du genre, pour les cuivres, les arrangements, la voix de Simone, et surtout, surtout, l'improvisation de la fin, parfaite à en pleurer. Pour moi, c'est exactement ça, savoir chanter. 

The White Stripes - Black Math
J'aurais pu mettre l'intégralité de cet album, et même l'intégralité des White Stripes comme influence. Parce que Jack White, encore, et cette impression qu'il se bat avec sa guitare et avec la musique. 

Yeah Yeah Yeahs - Cheated Hearts
Là aussi, ça compte pour tout l'album. J'aime beaucoup leur façon de construire les morceaux, aucun n'est 'normal' dans la structure. Pas mal de personnes disent préférer l'album Fever To Tell, mais pour moi c'est définitivement celui-là le meilleur.



Mathieu 

Sonic Boom - You're the One
C'est un des side projects de Peter Kember. Ayant formé à la base Spacemen 3 qui influenca beaucoup de groupe de shoegaze comme les Brian Jonestown Massacre ou encore Primal Scream (deux groupes que j'adore), il se permet toutes les folies et m'a permis de découvrir les boites à rythmes. Ca a été une révélation à l'époque, car ce titre m'a permis de découvrir la drone musique, puis de partir vers une drone musique plus ancestrale, la musique indienne (d'ailleurs à ce compte, il y aurait aussi Tomorrow never Knows des Beatles ). 

Skip James - Devil got my Woman
En parlant de drone music et de musique disons moins ancestrale, Skip James a été celui qui m'a poussé à désaccorder ma guitare pour la première fois, m'ouvrant de nombreuses voies à découvrir, défraichir et exploiter. Mais plus qu'une découverte, ce morceau m'a ouvert les portes du Delta blues et de toute la musique des personnes subissant la ségrégation. Une musique vivante par ces émotions, avec un rythme entêtant qui laisse les corps s'exprimer. Outre la musique, les bluesmens du Delta étaient de simples saltimbanques qui allaient de ville en ville pour gagner quelques sous et bossaient dans les fermes lorsqu'il n'y avaient pas assez de Juke Joint dans le secteur. Et il n'ont eu de reconnaissance "Grand public" qu'à leurs 60 ans... Ce qui veut dire qu'ils ont toujours été musiciens dans l'âme, sans chercher à faire de concessions, juste jouer car la musique est un jeu qui veut dire beaucoup et accompagne souvent les mouvements sociaux, mais j'aurai l'occasion d'y revenir! 

Ennio Morricone - The Good, The Bad and The Ugly      (à écouter à très fort volume)

Une très très grosse influence car étant compositeur de film, il se permet de poser une ambiance directement; voir un désert avec une bande d'indiens à ses trousses qui possède des ocarinas et des fender telecaster en écoutant ce morceau veut tout dire. J'aime toujours avoir une évocation visuelle à un titre de musique. Outre ce fait, Ennio Morricone, italien au demeurant, a su mélanger la surf music de l'époque et les "codes" de l'americana profonde pour asseoir un style complètement depuis défini comme américain! 

Queens of the Stone Age - Feel Good Hit of the Summer
On pourrait dire que c'est le morceau que j'écoute avant de partir en soirée pour voir si je n'ai rien oublié! Mais c'est surtout car je dois un grand respect à celui qui organise les deserts sessions et qui accueille des gens comme PJ Harvey pour jouer avec lui. Pour montrer que rien n'est jamais figé. Et j'aime énormément le piano dans ce titre utilisé en percussions comme chez des artistes tels que les Stooges ou encore le Velvet Underground. 

The Fuzztones: 1 - 2 - 5
LE morceau du matin gueule de bois/café dégueu qui booste toujours! Le garage dans sa plus pure expression et en plus une cover de The Haunted (des précurseurs du garage canadien, bien sûr jamais très loin de Detroit). Comme pour les autres, derrière ce morceau se cache aussi la manière de faire c'est à dire DIY. Ces mecs tournent toujours et enregistrent encore des albums et ça sans promotion inutile ou grostesque, ils se sont formés, ont pluggé, joué et tourné!

J'aurais aussi pu citer bien d'autres titres des Stones Roses, Happy Mondays, ou encore Primal Scream, et plein d'autres, mais voilà à l'instant t ce qui revient le plus pour moi.


ALIAT : Merci les gars. Où aurons-nous la chance de vous voir sur scène ?

HD : Le 31 Mars au TOTEM (Maxéville) / Release Party 1st EP avec Les Wayfarers
Le 4 Mai au Nimby (Thionville)
Le 5 Mai aux Trinitaires (Metz)/tremplin Zikamine
Le 31 Mai au Mudd café (Strasbourg)
Le 4 Août au festival Ecaussystème (Gignac). 








Plus d'info :

Chaine Youtube
Management : info@hobokendivision.com
Booking : booking@hobokendivision.com


HBSN








18 mars 2012

The Fat Badgers's mood is like...







Chers amis, il est grand temps de vous dévoiler un petit secret. Le funk n'est pas mort.
Je vous vois commencer à sourire d'un air dubitatif.

Il est vrai que la plupart des pionniers de ce mouvement musical des années 60/70 le sont.

Or, il semblerait qu'une très brève faille spatio-temporelle ayant eu lieu à Las Vegas, le 14 Mai 1985, durant un show éblouissant de Prince, ait aspiré en elle quatre jeunes hommes d'une vingtaine d'années, innocents et très friands des prouesses du Kid de Minneapolis.

Ce n'est qu'à l'orée du XXIè siècle que cette faille nous délivra ceux que nous connaissons aujourd'hui sous le nom de The Fat Badgers.

Ils s'empressèrent alors de faire renaître leurs idoles à coups de samplings et de riffs de synthés éblouissants. Peut-être, grâce à un bagage musical solide, et à un regard neuf et bourré de créativité allié à l'assurance ,que le funk revivra.

Entre ce fond, irrésistible, et la forme, à savoir la panoplie du parfait adorateur de Sly & The Family Stone, le magnétisme ne pouvait qu'opérer.

C'est pourquoi ils offrent aux lecteurs d'ALIAT la chance de découvrir leurs âmes sœurs musicales, à travers cette sélection de morceaux aussi jouissifs que pointus.

Eh bien, dansez maintenant.

Cypouse (claviers, électronique)
Le Funk, c'est Flashlight ! Une soirée sans ce morceau, c'est triste. J'aurai pu mettre presque tous les morceaux de Parliament dans cette compil tellement George Clinton et sa bande on poussé les limites du funk au-dessus du ciel. Pour bien capter le délire, cherchez les vidéos live, le son est mauvais mais on se rend bien compte qu'ils sont vraiment sur une autre planète ! Sinon notons qu'il s'agit d'un chef d'oeuvre de l'histoire du synthétiseur (80% des sons viennent du Minimoog du l'incroyable claviériste Bernie Worrell), et que Les Snoop Dogg et autres, n'auraient jamais été les même sans un tel morceau !


Très gros son,  d'un des dignes rejetons du funk de George Clinton. Les débuts de Snoop en 1993 forcent les mouvements de tête, et le son n'a pas du tout vieilli.

Superbe mélange d'influences, hip hop électronisé et bourré au funk. J'ai découvert Beat Assaillant en live, et les productions studios sont largement à la hauteur. Ce morceau ouvre à merveille l'album Hard Twelve qui mérite d'être découvert.

Alors Calvin Harris il débarque à peine passé 20 ans et son album s'appelle "I Created Disco".. c'est trop fort. C'est électro, mais ça fais le même effet que la disco, en plus fort. J'ai tellement dansé sur cet album, tous les morceaux groovent à fond, et restent dans la tête à jamais. Il faut rentrer dans le délire.. ce morceau est particulièrement drôle.

Fela c'est un monument qu'il faut connaître. Créateur de l'afrobeat au Nigéria, sa vie est aussi incroyable que sa musique. Une musique de transe, qui a profondément marqué James Brown à l'époque. La première fois on peut être dérouté, mais il suffit de se laissé prendre par le rythme, et c'est parti, ça ne s'arrête plus, c'est surpuissant et omniprésent. Et puis oui, le funk ça vient d'Afrique, d'une manière ou d'une autre.

Ne sachant laquelle choisir, on a failli pas mettre de chanson de l'immense Sly Stone ! Rien à jeter, de la groovasserie nucléaire comme sa coupe de cheveux. Larry Graham à la basse invente le slap en direct.


Victouse (batterie - cheveux)

Michael Jackson - Workin' Day & Night
Michael who?


Francois Juno - L'an 1999
Un artiste Francais malheureusement méconnu,saisissant!


Youngblood Brassband - VIP
Une fanfare qui groove sa mère.


Con fun shun - Touch
Du bon gros funk des années 80, funk jusqu'au bout des seins.


Lettuce - Nyack (live au blue note de tokyo):
Lettuce,encore un groupe américain très peu connu en france avec un batteur fou furieux.
C'est que de l'instrumental mais ca envoie du lourd!



Arthouse (guitare, sampling) 

Du funk sale qui dégouline comme je l'aime, guitariste très peu connu mais qui vaut le détour ! 
À mi-chemin entre la b.o. d'un film de blaxploitation et un bootleg de led zeppelin, j'adore ! 
Et ce son ! Comme enregistré à l'arrache dans une cave humide au fin fond du Texas...

L'indémodable roi du funk ! On comprend mieux la suprématie de Parliament quelques années plus tard quand on entend le groove que nous délivre Bootsy sur ce titre ! Album à écouter absolument "In The Jugle Of Groove".

Attention âmes sensibles, le disco est passé par là ! 
Brass Construction nous dévoile içi son talent pour nous faire passer 5 minutes de plaisir sans changer une seule fois le riff de base (ou presque).
Entres les gimmicks de voix qui viendront squatter votre lobe frontal et les background des cuivres à tomber par terre, on à vraiment pas le temps de s'ennuyer.

Le rescapé des eighties ! C'est simple, c'est bon, et putain qu'est ce que c'est tight ! 
Till' you get enough, HEAD ! 

Alors là c'est du lourd, excellent mix electro-disco-funk. Très bon sampleur, ce jeune anglais à tout compris sur l'avenir de la funk music ! 
A écouter très fort !



Rémiouse (basse, pantalon rose)

Un morceau qui m'a profondément marqué et que je me suis empressé de faire découvrir à tout le monde.
Une combinaison de groove bien gras, carré,et de tenues exquises privilégiant de joyeux paquets dansants.
Ça fout la frite...  

Une belle fusion  funk /rock, don blackman est à mon gout un des plus grand virtuose de la musique funk, il adore les animaux
et manger du chocolat.

Un seul riff, du début à la fin, un son de synthé basse qui déboite, un petit bijou qui fais bien bouger, à écouter le matin.

Encore du son qui tache, un de mes bassiste préféré à l’œuvre.    
Un de mes premier coup de foudre en musique électronique, l'album (2) est excellent, des compositions chirurgicales à faire smurfer un escargot,
et pas mal de featuring...  






11 mars 2012

Ce n'était pas une simple rencontre.









Rappelle-toi, été 83. 
Le séjour à Miami que nous attendions tant.
L'après-midi patins à roulettes, celui ou on avait commandé deux milk-shakes à 5$.
Le tien à la mangue, le mien à l'abricot.
Je ne supportais pas le regard de tout ses hommes sur ton nouveau maillot de bain rayé.
Le noir et blanc. Ou blanc et noir, peu importe.



Tu m'avais présenté à un ami à toi qui séjournait dans le motel d'en face.
Il n'était pas là pour s'amuser, disais-tu.

C'est alors qu'il s'approcha avec allure en notre direction.
A la vue de ses Wayfarers écaillées, j'avais immédiatement compris à quel genre de personnage j'allais avoir affaire.
Je me souviens. Il tenait une mallette chromée dans sa main droite et fumait une de ces cigarettes "toasted", comme disaient les américains.
Tu le déshabillais sauvagement de tes grandes billes bleu clair.

Il se présenta. A moi uniquement.
Semblerait-il que vous vous connaissiez déjà.

Son attaché-case m'éblouissait au reflet de l'imposant soleil.
Une intrigue restait à découvrir.
Qui était-il? Et que me voulait-il?
Qu'aviez-vous vécu ensemble pendant que j'écoulais mes derniers jetons au casino, tard cette nuit là?

Et c'est devant nous qu'il en vint à ouvrir son luxueux bagage pour en sortir une grande pochette cartonnée, carrée et très colorée sur laquelle était inscrit :

"Ouvre-là dans 30 ans. En souvenir de notre aventure."

C'était un vinyle.

Aujourd'hui, toi seule comprends de quoi il s'agit.
Mais fais moi cette unique faveur. 
Laisse moi découvrir avec toi quelle musique tu as pu conserver si longtemps, maintenant que trente années se sont écoulées...


Un silence.

Lecture.
 







06 mars 2012

Chronologie égocentrée du rap français

[Artwork par Rouge]

Je vais vous prévenir tout de suite : cet article a pour personnages principaux le rap et moi (deux de mes passions principales), et ne sera ni logique, ni complet, ni objectif.
Dans ce cas, me demanderez-vous en tant que gros relous pointilleux, de quel droit ouvré-je ma gueule?
C'est bien vrai ça, je pourrais tout aussi bien ne pas prendre de risques et retourner bloguer des tracks du top 50 de Hype machine (mais seulement la deuxième partie du top 50, hein, sinon c'est trop mainstream).

Effectivement, je n'étais pas partie pour aimer le rap. Mes jeunes années étaient plus catho que ghetto, et j'avais à peu près la même image du hip hop que Jean-Marie Le Pen : un mélange entre un clip d'Alpha 5.20 et un reportage TF1 sur les émeutes de 2005.
Légitimité zéro pour prendre la plume sur le propos, donc.

Mais depuis, j'ai revu mes positions, et si le zèle des nouveaux convertis peut remplacer l'érudition des vétérans, alors je demande humblement à ces derniers d'excuser mon inexpérience et de jeter un oeil bienveillant sur cette  

Chronologie égocentrée du rap français


Tout à commencé en 2008. J'ai écouté le Klub des Loosers pour la première fois parce que le teubé prétentieux qui me plaisait alors était fan de leur page sur Facebook. Je l'aimais comme on aime à 16 ans, d'une passion incandescente et adolescente, le genre d'amour qui brûle fort et qui crâme vite, bref, vous connaissez sûrement.

La passion est passée mais le KdL m'est resté. En même temps, qui mieux qu'une ex-victime de la cour de récré pouvait se reconnaître dans les lyrics rageux et maniacodépressifs de Fuzati, le Versaillais masqué misanthrope?

Je ne pouvais qu'adhérer à ce klub, et c'est donc sur le tard que j'ai commencé à ronger Vive la Vie et les albums des crews affiliés, découvrant au fil des suggestions Youtube L'Atelier, TTC, La Caution, Charly Greane (aujourd'hui Nadir Greany), L'Armée des 12, le Klub des 7, et finalement toute une frange du rap alternatif en général.
C'est aussi à ce moment-là que j'ai commencé à m'intéresser au rap US (je vous ai dit que j'étais vraiment en retard?), mais ça, c'est une autre histoire.

C'était bien. J'étais contente. Mais telle Donatella Versace après sa première mammoplastie, j'en voulais plus. Ma target de l'époque [et c'est l'occasion de mettre l'accent sur le nombre de découvertes musicales qu'on peut faire pour de basses raisons de chinage], ma target donc m'a fait découvrir Orelsan - haterz gonna hate.
Oui, je sais ce que vous allez dire, y a que deux sons cool sur son deuxième album, mais honnêtement, le premier était plutôt tueur. N'oubliez pas qu'à la base je suis une petite bourge pas ghetto pour un sou (et encore moins pour un sobre) et à ce stade de notre histoire, j'étais absolument incapable d'apprécier la beauté d'un bon vieux Booba bien hardcore.

C'est à ce moment-là que j'ai commencé à fréquenter un peu les cercles de post-bobos de province, vous savez, ces petits merdeux branchés élitistes que vous détestez, notamment parce qu'ils vous rappellent à quel point vous êtes vous-mêmes un petit merdeux branché élitiste (ne niez pas, vous lisez un blog musical donc j'ai forcément un peu raison) (on me glisse dans mon oreillette que ce n'est pas très vendeur d'insulter son lectorat, désolée les mecs, mais je vous assure que ma dérision est empreinte de tendresse, true story bro.)

Bref, du coup, il me fallait de nouvelles armes musicales pour affronter une réalité de plus en plus flippante, et mes horizons se sont élargis en même temps que mon tour de poitrine. (si vous ne voyez pas l'intérêt de cette analogie, c'est parce que vous n'avez pas accès à l'historique des requêtes Google qui mènent les gens vers ce blog)

Alors voilà : je me suis retrouvée face à l'immense montagne du rap old school, tous ces classiques que je n'avais pas eu l'occasion d'écouter à l'époque, ghettoblaster sur l'épaule droite, carton de bières sur l'épaule gauche. Ainsi, j'ai idolâtré dans le désordre : le Deenastyle, Rapattitude ; IAM, Assassin, NTM ; Rocca, le jazz rap d'Oxmo ou de Hocus Pocus auquel mon amour du funk me prédestinait ; les mixtapes de Cut Killer, la Brigade, l'excellent Fabe, le Saïan Supa Crew.
Mon plus grand coup de foudre reste sans doute La Rumeur, le groupe d'Ekoué, à des millions de kilomètres du rap Skyrock. Comme je ne suis pas une puriste, je peux me permettre de dire que mon album préféré est le troisième, Du Coeur à l'outrage (les pistes 9-10-11 sont juste ouf). Du rap conscient mais pas relou, d'une intelligence aigüe, aussi vénère que vénéneux.
Presque à égalité, l'ovni VII, ses textes cyniques, sinistres, presque cinématographiques, son univers macabre, noir foncé. A écouter en plein jour, volets fermés, dans une pièce confinée.
(si ça vous plaît, essayez aussi Virus)

Je serais injuste de ne pas citer le collectif Anfalsh avec entre autres cette killeuse de Casey, et ce cher Sheryo qui n'est resté que pour la trilogie des Que d'la Haine, absolument inmanquables. (écoutez d'ailleurs ses albums solo si vous aimez les punchlines egotrip fracassantes).
Comment zapper aussi le rap de ma région qui a du putain de talent, avec Taipan le nancéen insolent ("C'était de l'air dans les poumons et du foot sur l'herbe, aujourd'hui de l'herbe dans les poumons et du foot sur Play") et Mysa le sage de Metz...

Je pourrais continuer des heures à égréner les exemples comme un chapelet de namedropping, et même constituer ma famille musicale idéale : Akhenaton serait le papa (à moins que ce ne soit Lacklo), Ahmad le grand frère marrant, Youssoupha l'oncle stylé, Al'Tarba, Swift Guad et la Droogz Brigade les cousins cool, Keny Arkana la soeur un peu honteuse mais qu'on aime bien quand même, Alkpote et Seth Gueko les copains ghetto...
J'intègrerais bien les petits jeunes de 1995 aussi, parce que même s'ils sont victimes de leur (souvent pitoyable) public, certains membres du crew ont un énorme talent, mais comme je suis un peu amoureuse de Sneazzy West, ce serait légèrement incestueux. Cela dit je ne les remercierai jamais assez pour avoir contribué au retour du bon vieux boom bap old school.


[Ci-joint une playlist Spotify collaborative, ce qui signifie que vous pouvez ajouter vos morceaux de rap préférés (enfin je crois) (enfin je sais pas) (enfin au pire sinon envoyez-les moi et je m'en charge)]

Smoke hip hop every day.
Love,

Rouge


ALIAT