21 novembre 2011

Outrage à la provoc'



Artwork by Rouge

C'est toujours la même histoire.
Il y a le plaisir un peu puéril du rituel ; il y a cette sensation inavouée d'appartenir à une espèce d'élite, le vinyle étant au .mp3 ce que la Dunk Carolina NYC est à la basket Décathlon.
Et puis il y a le son, nuancé, chaud, presque palpable. Peu importe si c'est une coquetterie de branché ou une lubie de puriste mélomaniaque.
Le seul truc qui puisse égaler ce plaisir, c'est écouter une cassette sur un walkman, madeleine de Proust ultime pour tout rejeton des années 90.
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Quand tu te réveilleras, tu trouveras un mot sur l’oreiller, griffonné derrière une facture EDF.

« C’était chouette. Tu sens bon.
Je pensais revenir avec des clopes et des croissants ; on aurait brunché tranquille en se racontant des souvenirs d’enfance et en écoutant le dernier Radiohead, mais
1) Je ne suis pas Zooey Deschanel,
2) Le dernier Radiohead est une abomination,
et 3) Ma peur de l’engagement a un peu pris le dessus, c’est vrai.

Alors à la place, voilà ce que tu vas faire.
Commence par mettre en marche le tourne-disque. (Stranger Danger - Tantra)
Retourne dans ton lit, étire-toi looongtemps. Plus longtemps que ça.
Va dans la salle de bain et commence à faire couler de l’eau très chaude dans la baignoire. Vide ton shampoing dedans. Et je m’en fous que ce soit du Fekkai à 20 dollz, je veux que ça mousse.
Ca te laisse le temps pour un café.
Quand la baignoire commence à ressembler à un cumulo-nimbus, allume la radio et glisse-toi dans l’eau. J’ai réglé la fréquence sur une station intello-boring, ne change pas de chaîne, c’est important pour que tu restes ancré dans la réalité. Et pour que tu aies l’air ridicule (ça, c’est moins important, mais ça me fait beaucoup rire).
Fais des clapotis, des vagues, une barbe en mousse.
Laisse-toi sombrer doucement. Je parie que tu n’es pas cap de tenir en apnée le temps d’une chronique météo de France inter. Si tu y arrives tu as gagné une pipe. (oh ça va, je rigole)

Bon, l’eau a l’air de refroidir, sors vite. Tu as 10 minutes pour mettre une tenue décente. (je t’ai piqué ton t-shirt au fait. Et ne fais pas cette tête, tu as déchiré mes collants préférés.)
Ok. Coup de peigne , brosse à dents, un pschit d’Eau sauvage.
Dépêche-toi, il faut que tu sois prêt à temps pour ton rendez-vous avec… le walkman métallisé que j’ai caché quelque part dans ton carton de décos de Noël.
Comment ça, la vue d’un walkman t’évoque l’image d’un trimard en veste denim sans manches qui shake sa coupe mulet sur du 2be3 ? De toute façon, tu n’as pas le choix. Et puis tu possèdes un carton de décorations de Noël, ce qui rend tous tes arguments invalides (et ton hétérosexualité discutable).
Allez, appuie sur Lecture.(Zambri - Tonight We Fly)

Cette chanson te laisse largement le temps de marcher jusqu’au parc.

Je ne t’y attendrai pas. Tu seras peut-être un peu déçu, peut-être un peu soulagé. Tu marcheras dans la grande allée, la lumière aveuglante te fera plisser les yeux ; tu n’auras qu’à mettre les Persol que j’ai glissé dans la poche de ton duffle-coat.
Tu penseras que je suis vraiment une sasa d’avoir pris ton t-shirt préféré, et cette pensée te fera sourire, alors j’aurai quand même un peu gagné, pas vrai ?

Ah, au fait, j’ai écrit mon numéro à la craie au pied du ginkgo biloba derrière la serre tropicale, celle avec les tortues qui font délirer. Retranche 1 au dernier chiffre (mesure de sécurité, pas cool pour celui dont c’est le vrai numéro, je sais, dommage collatéral).

Attention, fais vite, ils ont prévu de la pluie en fin d’après-midi. Seulement tu étais sous l’eau quand ils l’ont annoncé. Heureusement que je suis là pour te tenir informé.
(Tu souris, j’ai encore gagné. Rembobine la cassette, cette chanson en vaut la peine.)



ALIAT